L’Hexagone, l’autre patrie du manga


L’éditeur Pascal Lafine, dans le documentaire « Mangas, une révolution française », de Dimitri Kourtchine.

FRANCE 5 – VENDREDI 15 DÉCEMBRE À 22 H 45 – DOCUMENTAIRE

Ils sont de la même génération que Luffy, le héros élastique de One Piece – manga de tous les records, avec 106 volumes publiés et 520 millions d’exemplaires vendus dans le monde. Enfants, ils ont été bercés dans les années 1980 par les aventures de Goldorak, Albator, Candy, diffusés dans « Récré A2 », avant, la décennie suivante, Dragon Ball ou Sailor Moon, présentés dans le « Club Dorothée », cette fois sur TF1. Comme beaucoup d’autres jeunes Français. A cette différence que, arrivés à l’âge adulte, eux ont choisi d’en faire leur métier.

La bonne idée du réalisateur Dimitri Kourtchine est de donner la parole à un grand nombre de ces passionnés, membres des premières « générations mangas », pour décoder la révolution culturelle qui, en quatre décennies, a conduit l’Hexagone à devenir le deuxième pays dans lequel on lit le plus de droite à gauche, après le Japon. Une initiative attendue et réussie.

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Instinctivement, le film emprunte aux codes des mangas nippons – planches de BD, gros plans, chapitrage – pour mettre en scène les intervenants, particulièrement érudits, tels le mangaka Tony Valente, l’influenceuse Mademoiselle Soso, l’éditeur Pascal Lafine, l’universitaire Bounthavy Suvilay, et Sylvie Chang, créatrice de la première librairie de mangas à Paris, où elle a lancé le cosplay en France.

Positivité japonaise

La chronologie historique est précise, s’amusant des critiques récurrentes, depuis François Léotard, ministre de la culture de 1986 à 1988, ou de Ségolène Royal, du temps où les mangas étaient qualifiés de « japoniaiseries », jusqu’aux récentes polémiques sur le Pass culture.

Au-delà des anecdotes, multiples et drôles, le film met en exergue quelques points-clés du succès des animes. D’abord, les techniques de fidélisation, qui s’appuient sur de longues scènes sans action et un scénario très abouti.

Puis le « drama ». Balak, auteur de « mangas à la française », raconte ainsi que, au début de sa carrière, il souhaitait écrire des histoires où les gens pleurent, rient, mais que c’était interdit dans l’animation française, car jugé anxiogène. « On est [alors] dans une société de déni, confirme Brigitte Lecordier, voix française de Son Goku (Dragon Ball) : il y a des guerres partout dans le monde, mais on n’en met pas dans les dessins animés. »

A contrario, dans le manga, on a droit à la violence. Perdre un parent, souffrir, peut s’y révéler une mise en catharsis rassurante. Ce qui explique, toujours selon Brigitte Lecordier, le succès de Son Goku, « en initiation de la vie, comme les enfants qui le regardaient ».

A condition de respecter l’« esprit shonen » et ses valeurs : l’effort, la victoire et l’amitié. Le rappeur Youv Dee s’est fait tatouer un symbole de Naruto, personnage qui incarne, selon lui, cette positivité japonaise, et qu’il résume ainsi : « Naruto, lui, s’est relevé, donc tu peux le faire ! »

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Mais un parfum de nostalgie plane déjà sur certains souvenirs. « Je fais tout pour ne pas devenir un vieux con », assure ainsi Thomas Sirdey, fondateur avec Jean-François Dufour (également interviewé) de Japan Expo, troisième plus grand salon français derrière le Salon de l’agriculture et celui de l’auto. Désormais dans le rôle du père, il prend sur lui pour paraître compréhensif envers sa fille de 7 ans, morte de rire devant Oshiri Tantei, personnage d’anime japonais à la tête en forme de fesses, qui « attaque les méchants en leur pétant dessus »

Mangas, une révolution française, de Dimitri Kourtchine (Fr., 2023, 52 min).



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